Gestion prudentielle des banques en RDC: Regards et perspectives
La présentation du Professeur Bob David Nzoimbengene, intitulée « Comment conquérir et réinventer l’industrie bancaire congolaise : Regards et perspectives », s’est tenue le 8 novembre 2024 à l’Université Pédagogique Nationale (UPN), dans la grande salle Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. L’intervention a porté sur la gestion prudentielle des banques en République Démocratique du Congo (RDC), un sujet crucial pour l’avenir du secteur bancaire congolais, et a mis en lumière plusieurs problématiques fondamentales qui freinent son développement.
1. État des lieux du secteur bancaire en RDC
Le professeur a commencé par souligner un constat alarmant mais souvent négligé : la RDC ne possède aucune banque à capitaux entièrement nationaux. Bien que la majorité des banques en activité soient des institutions congolaises de droit, elles n’ont pas de contrôle ou de participation majoritaire de la part des acteurs congolais. Ce fait met en lumière un défi structurel majeur : le manque d’indépendance financière du secteur bancaire vis-à-vis des investisseurs étrangers, en particulier les banques panafricaines et internationales, qui dominent le paysage bancaire congolais. Actuellement, aucune banque de la RDC n’est classée comme une grande banque selon la BDN Banking Classification Matrix (BBCM), un outil de catégorisation qui classe les banques en fonction de critères tels que la taille du bilan, les crédits par rapport au PIB, et la capacité à financer des investissements dans des secteurs stratégiques comme le secteur minier.
Le secteur bancaire congolais reste donc relativement sous-développé, avec une grande majorité des banques étant de taille petite à moyenne. Les ratios de crédit/PIB en RDC sont particulièrement faibles comparés à d’autres pays, ce qui indique une faible capacité de financement de l’économie réelle, notamment dans des secteurs comme le secteur minier, vital pour la RDC. En 2023, la RDC comptait 16 banques, dont une majorité d’entre elles étaient des banques locales ou panafricaines, et une minorité appartenant à des groupes bancaires internationaux. Le secteur bancaire dans son ensemble a réalisé un volume de crédit de 7,01 milliards de dollars, un ratio de 11% du PIB et une rentabilité financière d’environ 25%, indiquant un secteur rentable, mais encore trop petit pour jouer un rôle majeur dans l’économie congolaise.
2. Les normes prudentielles en RDC
Le professeur Bob-David Nzoimbengene a également abordé la question des normes prudentielles, qui visent à garantir une gestion saine et solide des banques. La législation bancaire en RDC est régie par plusieurs lois et instructions qui encadrent la gestion des risques, la solvabilité des institutions, ainsi que les exigences en matière de capital et de fonds propres. L’une des principales réglementations est la Loi bancaire n°22/069 du 27 décembre 2022, qui confère à la Banque Centrale du Congo (BCC) un pouvoir de supervision renforcée. La BCC peut ainsi exercer un contrôle rigoureux sur les banques, tant en amont (préventif) que sur place, afin de garantir leur stabilité.
Le respect de certaines normes de solvabilité est primordial. Par exemple, le capital minimum requis pour les banques en activité en RDC est un critère strict qui permet d’assurer leur capacité à absorber les pertes éventuelles. La solvabilité doit être maintenue à un seuil minimum de 10%, et les fonds propres réglementaires doivent être en adéquation avec les risques pris par les banques, notamment les risques de crédit, de marché et opérationnels. Ce cadre vise à protéger le système financier des crises et à maintenir la confiance dans le secteur bancaire.
Le cadre normatif repose également sur des règles strictes de classification des crédits, qui permettent de catégoriser les prêts en fonction de leur qualité. Les crédits sont classés en crédits sains, à surveiller, pré-douteux, douteux, et compromis. Ces classifications permettent de déterminer le provisionnement nécessaire pour chaque catégorie de crédit, une mesure essentielle pour limiter les risques systémiques.
3. Catégorisation des banques selon le BBCM
La BDN Banking Classification Matrix (BBCM) est un outil qui permet de classer les banques en fonction de leur taille et de leur capacité à financer l’économie. Le professeur Nzoimbengene a souligné que aucune banque de la RDC n’est classée parmi les grandes banques. Selon l’indice BBCM, les banques sont réparties en quatre catégories : grande banque, moyenne banque, petite banque et très petite banque. Les critères de classification incluent le niveau des crédits par rapport au PIB, la capacité à financer les investissements, notamment dans le secteur minier, et la taille du bilan de la banque.
Les données pour l’année 2023 montrent que les banques de la RDC sont principalement de taille moyenne et petite, avec des actifs limités et une capacité à accorder des crédits encore bien en deçà des besoins réels de l’économie congolaise. Par exemple, RAWBANK est une banque moyenne, tandis que des banques comme SOFIBANQUE et EQUITY BCDC sont classées parmi les petites banques. Ce manque de grandes banques rend difficile l’implication du secteur bancaire dans des projets économiques d’envergure, notamment dans les secteurs stratégique comme celui des mines, principal moteur de l’économie congolaise.
4. Les perspectives d’avenir et la régulation du secteur bancaire
Le professeur Bob David Nzoimbengene a conclu sa présentation en abordant les perspectives de régulation du secteur bancaire en RDC. Bien que des progrès aient été réalisés avec l’adoption de la Loi bancaire de 2022, qui a renforcé les pouvoirs de régulation de la BCC, il reste encore beaucoup à faire. La régulation bancaire en RDC doit continuer à se renforcer pour attirer davantage d’investissements étrangers et promouvoir des banques locales plus solides.
Les réformes à venir incluent des instructions spécifiques concernant la gestion des risques, la transparence des services bancaires, la lutte contre le blanchiment d’argent (LCB/FTP), et la gestion des plaintes des clients. Ces réformes visent à renforcer la discipline du marché et à garantir un environnement bancaire plus stable et plus attractif.
La présentation du professeur Bob David Nzoimbengene met en lumière les défis énormes auxquels fait face le secteur bancaire congolais, notamment l’absence de grandes banques locales, la faiblesse du financement bancaire de l’économie et le manque d’une régulation bancaire assez forte. Pour conquérir et réinventer l’industrie bancaire congolaise, il sera crucial de renforcer la réglementation, encourager les investissements nationaux et développer des banques capables de soutenir les grands projets économiques, en particulier dans les secteurs clés de l’économie.
Cliquer ici pour télécharger la présentation : https://bnl-pacai.org/download/1653/